Les avantages du bilinguisme précoce

October 14, 2015

L’article ci-dessous (Extrait) a été rédigé par Maria Kihlstedt, Maître de Conférence en psycholinguistique de l’Université de Paris X Nanterre dans le cadre de ses recherches.

A l’heure de la construction européenne, personne ne conteste plus le bénéfice que constitue, pour le jeune enfant, la capacité de maîtriser plusieurs langues. D’un point de vue scientifique, les chercheurs s’accordent à penser que la construction d’un bilinguisme équilibré dépend étroitement de l’âge de démarrage – plus tôt on commence mieux c’est. Il est assez généralement admis que l’ “âge critique” se situe autour de 7 ans. En effet, ce n’est que très récemment que les avancées de la recherche en sciences cognitives – la dénomination d’un champ pluridisciplinaire de recherche très en vogue actuellement en France, regroupant des chercheurs en neurologie, psychologie, linguistique, biologie etc. – nous ont obligé à repenser certaines idées auparavant tenues pour acquises, comme par exemple la “fragilité” du cerveau de l’enfant. […]

On sait depuis un certain temps que le bilinguisme enfantin n’est pas l’addition des deux langues dans le cerveau de l’enfant. Il s’agit plutôt de la construction d’une capacité linguistique à deux volets. En effet, les structures du cerveau du jeune enfant sont tellement flexibles qu’il apprend aussi facilement deux ou trois langues qu’une seule, et ce jusqu’à l’âge de 7 ans. A condition que les langues soient apprises “à l’âge du langage” (Dalgalian 2000), au moment où la plasticité cérébrale est en plein essor, il est tout aussi naturel d’apprendre une que deux langues. […]

Passé l’âge critique de sept ans, l’acquisition d’une nouvelle langue relève d’un autre processus et doit faire le détour par la langue maternelle. On pourrait dire qu’après sept ans, on n’apprend plus du langage mais des langues (Dalgalian 2000, Petit 2001). L’équipement neuronal du bilingue précoce n’est pas le même que chez un enfant monolingue.

Les langues apprises après sept ans sont stockées ailleurs dans le cerveau. Bref, pour reprendre une métaphore de Dalgalian (2000, p.23) si on a la chance de tomber comme Obélix, en tant que bébé, dans une potion magique composée de deux ou plusieurs langues, c’est-à-dire d’être plongé dans le bilinguisme dès le premiers balbutiements, on devient bilingue. C’est la présence ou l’absence d’une langue dans l’entourage qui stimule l’acquisition ou au contraire provoque la perte d’une langue. Ce qui se passe d’un point de vue neurologique, c’est que certaines connexions entre les neurones (=des synapses) sont sollicitées au moment où la malléabilité corticale du cerveau bat son plein, des connexions qui, chez des enfants monolingues, ont été sclérosées à l’âge du langage avec le résultat qu’une fenêtre cognitive s’est fermée à jamais.